CINÉMA
L'ADQ veut imposer le doublage au Québec
Marie-Joëlle Parent
Le Journal de Montréal
06-06-2007 | 06h06
L'industrie du doublage s'est trouvé un nouvel allié en Mario Dumont. L'ADQ entend déposer ce matin un projet de loi sur le doublage à l'Assemblée nationale, a appris hier Le Journal de Montréal. Cette loi obligerait tous les studios américains à faire doubler leurs films au Québec. Shrek pourrait perdre son accent français...
Shrek le troisième, un des succès de l'heure, a été doublé en France, comme la plupart des films de Paramount/Dream- Works. Résultat : certaines expressions comme «les ogres, y shlinguent» et «au son du clafoutis, je bave limite» sont incompréhensibles pour les jeunes Québécois.
C'était la même histoire avec Madagascar, en 2005, un film truffé d'argot parisien comme «frappadingue», «merci pour la teuf» et «ça va être nickel».
Mario Dumont veut corriger la situation. Pour la première fois, un parti politique va déposer un projet de loi dans le dossier du doublage au Québec. Selon nos sources, cette loi obligerait tous les studios à faire doubler ici leurs films distribués sur le territoire. Exception faite des films d'art et d'essai.
Une mesure que réclame l'Union des artistes (UDA) depuis des années. La situation est criante : le nombre de films doublés au Québec est passé de 78% en 2005 à 73% en 2006. À peine 7% des DVD distribués au Québec sont doublés ici.
La tendance s'accentue également vers des sorties de film directement en DVD, évitant ainsi l'obligation d'offrir une version française aux consommateurs.
Boycott ?
L'arrivée d'une loi obligerait des studios comme Fox et DreamWorks, reconnus pour bouder le Québec au profit de la France parce qu'il y a déjà une loi dans l'Hexagone les forçant à y doubler leurs films, à se tourner vers notre industrie. Cette loi mettrait donc fin une fois pour toutes à 40 années d'ententes particulières avec les majors américains.
Une telle annonce risque d'être mal reçue par les majors américains.
Rappelons qu'en 1991, Paramount avait boycotté le Québec à la suite d'une modification à la loi sur le cinéma resserrant les règles concernant le doublage. Après un mois ils étaient cependant de retour.
Mario Dumont
L'ADQ s'est refusée à tout commentaire hier. Mais récemment, le parti d'opposition affichait déjà ses couleurs. «On devrait arriver comme les Français l'ont fait à la vraie solution, c'est-àdire à un texte législatif», avait affirmé Mario Dumont pendant une période de questions à l'Assemblée nationale à la fin mai.
Cette loi serait évidemment un soulagement pour l'UDA et les 800 artisans de l'industrie.
À l'initiative de l'UDA, une pétition signée par 20 000 citoyens a été déposée à l'Assemblée nationale en décembre dernier, mais le projet de loi a toujours été rejeté par les gouvernements au pouvoir.
La ministre québécoise de la culture, Christine Saint-Pierre, tout comme sa prédécesseure, Line Beauchamp, a dit non à cette option. «Cette analyse-là a été faite par les gouvernements précédents et ils en étaient venus à la conclusion que les mesures incitatives étaient plus favorables que des mesures législatives», a-t-elle affirmé au Journal de Montréal en mai dernier.
Alliance avec le PQ?
Pour que le projet de loi passe, l'ADQ devrait donc compter sur l'appui d'un des deux autres partis. Avec Pierre Curzi (ancien président de
l'UDA) dans les rangs du Parti québécois, une association est probable avec ce parti.
Le parti de Mario Dumont veut remplacer l'argot parisien dans les traductions de films américains par l'accent québécois.
LE DOUBLAGE AU QUÉBEC
# 800 artisans vivent du doublage.
# Retombées de 26 M$
# Doubler un film coûte en moyenne 70 000$
# Ils sont environ 200 doubleurs au Québec à vivre de leur voix, se partageant quelque 6,5M$.
# Pourcentages des films américains doublés au Québec :